La Belgique optimise son réseau de postes diplomatiques pour en accroître l’impact
Le monde change. Et il le fait à une vitesse incroyable. Les bouleversements géopolitiques s’accentuent, avec des diplomaties devenues plus transactionnelles. Le multilatéralisme subit des assauts inédits, bousculant fortement et durablement l’ordre mondial jusqu’ici basé sur le respect du droit. Les guerres tarifaires et commerciales imposent de repenser son réseau de partenaires afin de diversifier notre zone d’action et d’influence, tandis que jusqu’ici nous avions davantage privilégié une stratégie de la concentration des efforts, notamment en Afrique, où nous entendons rester évidemment très présents. Les conflits armés se multiplient, gagnent aussi désormais les frontières de l’Europe et génèrent un redéploiement massif de plusieurs secteurs économiques stratégiques. La coopération au développement subit des coupes budgétaires partout dans le monde qui imposent, en sus des questions géopolitiques, de revoir ses modalités d’intervention.
Pour la première fois depuis plusieurs décennies, la Coopération au développement et les Affaires étrangères se trouvent regroupées au sein d’un seul et même portefeuille ministériel, offrant l’opportunité d’un plus fort alignement des priorités respectives afin de soutenir avec davantage de cohérence la politique de relations extérieures de la Belgique.
Tous ces éléments invitaient à reconsidérer notre réseau de postes diplomatique ; exercice qui n’a plus été réalisé depuis 12 à 15 ans, autant dire une éternité à l’aune des évolutions géopolitiques.
C’est pourquoi Maxime Prévot, Vice-Premier Ministre et Ministre des Affaires étrangères, des Affaires européennes et de la Coopération au développement, a lancé un vaste processus de réflexion visant à optimiser le réseau de postes diplomatiques de la Belgique. A l’issue de ce processus, le Ministre a décidé du renforcement d’une vingtaine de postes, de l’ouverture de 5 nouveaux postes et de la fermeture de 8 postes, assurant ainsi à la Belgique un réseau diplomatique étendu, ambitieux, résilient et tourné vers l’avenir.
Les postes diplomatiques sont des acteurs essentiels pour soutenir et défendre les intérêts de la Belgique et des Belges à l’étranger. Nos postes nous permettent d’assister les Belges et nos entreprises, mais aussi de jouer un rôle crucial sur les plans politique et économique, dans des domaines allant de la sécurité à la migration, en passant par l’énergie. Ils sont aussi des acteurs clés de notre coopération au développement.
La Belgique dispose d’ores et déjà d’une vaste infrastructure diplomatique de par le monde. Il s’agissait dès lors de l’optimiser afin de doter notre pays d’un réseau diplomatique tourné vers l’avenir, et d’ainsi renforcer notre présence aux endroits où nos intérêts sont et seront en jeu et où notre présence aura le plus de valeur ajoutée.
Là où cette décision implique l’ouverture de 5 nouveaux postes et le renforcement de plusieurs postes existants, elle emporte également la fermeture de 8 de nos postes. Les fermetures de ces postes ne préjugent en rien de l’importance que nous continuons à attacher aux contacts bilatéraux avec les pays concernés. Il ne s’agit en aucun cas de la fin de nos relations diplomatiques avec ces pays. Au contraire, nous réinventerons l’entretien de nos relations avec ces pays, que cela soit au travers de postes dans des pays voisins ou au travers du travail de nos envoyés spéciaux. Nous ne serons pas absents de ces pays ; nous y serons présents autrement. Il est aussi important de noter que nous veillerons à ce que la qualité des services offerts aux Belges ne soit pas affectée.
Ces changements seront mis en place progressivement dans le courant des années 2026 et 2027. Le Ministre veillera à ce que le soutien adéquat soit apporté dans cette transition aux équipes concernées, à commencer par celles amenées à fermer un poste.
La tentation pourrait être grande de voir, derrière cet exercice de repositionnement stratégique de nos postes diplomatiques, une volonté d’économies budgétaires. Ce raccourci serait inexact.
D’abord parce que, en sa qualité de département de sécurité, le Ministre Prévot a veillé à ce que notre réseau de postes diplomatiques ne soit pas soumis à l’exercice de compression budgétaire linéaire de réduction de près de 2% de ses moyens annuellement. Et cela en cohérence avec les temps troublés que nous connaissons au niveau international et qui requièrent plus que jamais un investissement dans la diplomatie et le travail préventif, aux côtés des dépenses accrues en matière de défense.
Ensuite, car si des fermetures de postes sont décidées, des ouvertures de nouveaux postes sont par ailleurs annoncées afin que notre réseau corresponde mieux aux enjeux stratégiques d’aujourd’hui et des années à venir.
Enfin, le solde budgétaire positif qui se dégagera du ratio entre fermetures et ouvertures de postes sera réinvesti et permettra de libérer les moyens utiles dont notre réseau actuel a largement besoin, pour renforcer plusieurs de nos équipes. Certaines ambassades fonctionnent en effet avec un effectif si réduit que leur travail s’en trouve affecté, en quantité et en qualité. Or la période actuelle demande de mieux nous armer diplomatiquement et défendre nos intérêts dans les zones géopolitiques sensibles ou stratégiques.
Ce sera aussi l’opportunité de créer un pool de diplomates « volants » (« rescue pool ») pour venir temporairement en renfort des postes confrontés à une gestion de crise inédite, un personnel malade de longue durée, un soutien durant un congé de maternité ou de paternité, etc. Quand seuls deux diplomates sont présents dans un poste et que l’un vient à faire défaut, l’impact est majeur.
C’est donc bien la seule volonté d’un redéploiement stratégique qui motive cette initiative.
La force d’un réseau diplomatique, c’est son action qui s’inscrit dans le temps long. Une actualité conjoncturelle ne pourrait pas dicter une décision d’ouverture ou de fermeture d’un poste. Il faut considérer l’horizon de moyen et long terme pour arbitrer le maintien ou pas d’une ambassade ou d’un consulat général.
À l’inverse, le temps long ne peut servir de prétexte à s’exonérer d’une analyse de pertinence du maintien d’un poste au motif « que nous avons toujours été présents là-bas ». L’histoire de la présence d’un poste doit servir d’atout pour le futur, pas d’alibi pour se maintenir à tout prix.
Il faut aussi oser faire un pari stratégique sur les régions en plein développement afin de participer à leur essor économique.
La décision prise aujourd’hui repose sur une analyse menée durant plusieurs mois par le SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement. Plusieurs paramètres ont été pris en compte : nos intérêts politiques, nos intérêts économiques, notre sécurité, les objectifs de notre coopération au développement, les besoins consulaires, les besoins opérationnels et leur coût (personnel, bâtiments), et d’autres paramètres externes aux Affaires étrangères, comme la représentation des entités fédérées ou de partenaires tels que la Défense, la police fédérale ou encore l’Office des étrangers.
Au-delà de ces éléments, le renforcement de notre réseau dans son ensemble suit la boussole visant à donner un maximum de crédibilité et d’efficacité, en ces temps troublés, à une action extérieure fondée sur les 3D (Diplomatie, Développement, Défense). Les débats budgétaires à venir seront donc importants à cet égard.
Le choix opéré aujourd’hui repose donc sur une réflexion stratégique sur le positionnement de la Belgique sur la scène mondiale, dans un environnement géopolitique en forte mutation. Il s’agit d’un exercice de cohérence avec notre politique étrangère et les ambitions de la Belgique, au moyen d’un rééquilibrage de l’utilisation des moyens et des ressources. Il permet non seulement à la Belgique de renforcer sa voix et son rôle sur la scène internationale, mais il renforce aussi notre habilité à répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain. Il s’agit de se projeter dans un monde qui change et de faire preuve d’ambition pour notre pays, en dessinant le rôle de notre diplomatie à l’avenir.
Europe
L’Europe est l’un des vecteurs les plus importants pour notre prospérité et notre sécurité. Nous y sommes très présents et nous continuerons à accorder une priorité absolue à défendre nos intérêts au sein de l’Union européenne et sur le continent européen au sens large.
Nous renforcerons nos relations avec les Etats Baltes, au travers de l’allocation de ressources additionnelles aux divers postes suivant ces pays.
Les Balkans sont une région clé en matière de sécurité, de migration et d’opportunités économiques. Une région qui aspire à rejoindre l’Union européenne, quête dans laquelle nous la soutenons. C’est pourquoi nous ouvrirons une ambassade à Tirana, pièce depuis longtemps manquante dans notre réseau. Nous réorganiserons davantage encore notre représentation dans la région en ce que nous fermerons le poste de Sarajevo.
Afrique
L’Afrique est un continent essentiel pour l’avenir de l’Europe et de la Belgique. La jeunesse de sa population, l’énergie entrepreneuriale qui s’y développe et les opportunités pour matérialiser la transition énergétique et climatique mondiale du continent nous encouragent à développer des partenariats modernes et mutuellement bénéfiques pour renforcer et consolider nos relations avec les partenaires africains. Nous devons y être très présents tant par conviction et proximité de valeurs, mais aussi pour y travailler sur la préservation des biens publics mondiaux comme la stabilité, la santé et le climat. La Belgique est en mesure d’y proposer des offres de partenariats équitables qui diffèrent de celles qui visent l’accaparement des ressources. La population africaine devrait presque doubler d’ici 2050 ; les besoins sont énormes et les enjeux géopolitiques qui en découlent également.
Pour renforcer nos relations institutionnelles et redire notre foi dans le multilatéralisme et reconfirmer l’importance à nos yeux de l’intégration régionale, nous nommerons un Représentant permanent auprès de l’Union Africaine en qualité d’observateur, à Addis-Abeba, en plus de notre Ambassadeur en Ethiopie.
L’Afrique de l’Ouest continuera à revêtir une importance particulière. Notre réseau y est axé sur la combinaison d’intérêts économiques, diplomatiques et les biens publics mondiaux. Nous mettrons l’accent sur le Ghana, la Côté d’Ivoire, le Bénin, le Nigeria et le Sénégal en renforçant plusieurs postes existants pour un meilleur suivi de ces pays. Nous fermerons en revanche notre poste à Conakry, tout en facilitant davantage l’accès aux services consulaires belges en Guinée.
Au Sahel, nous fermerons notre ambassade à Bamako. Notre présence y est aujourd’hui affectée par de très lourdes contraintes opérationnelles et sécuritaires. Il ne s’agit pas ici, pas plus que pour les autres fermetures, de désinvestir pour autant nos relations avec le Mali, qui reste un acteur clé de la région. Nous entretiendrons nos relations d’une autre manière, toujours conscients de l’importance de cette région. Ceci nécessite un engagement constant de notre appareil diplomatique pour anticiper les menaces et saisir les nouvelles opportunités de partenariat. Nous maintiendrons donc deux postes au Sahel central, à savoir Ouagadougou et Niamey, tout en confirmant le rôle clé de notre Envoyée spéciale pour le Sahel afin de garder une approche intégrée et régionale. Notre Ambassadeur à Ouagadougou sera également chargé de nos relations avec les autorités maliennes.
Dans le Sud du continent, nous diversifierons nos partenariats en ouvrant une ambassade à Windhoek. La Namibie présente des nouvelles opportunités intéressantes que nous souhaitons saisir, que cela soit en matière de transition énergétique ou encore de développement portuaire. Nous fermerons notre bureau diplomatique au Mozambique. Le pays sera suivi par notre ambassade à Pretoria.
Dans la région des Grands Lacs, nous renforcerons notre ambassade à Kinshasa, ce qui permettra de mieux couvrir les dynamiques économiques, notamment les corridors de développement et d’opportunités. Nous accorderons également des ressources supplémentaires au poste de Brazzaville en République du Congo, qui verra sa juridiction élargie au Gabon et à la Guinée équatoriale.
La Belgique entretient de longue date une relation de partenariat à travers notre coopération au développement avec la Guinée, le Mali et le Mozambique. La fermeture de ces postes ne peut être interprétée comme une réduction supplémentaire des moyens alloués à la coopération. D’autant qu’il est de notre ambition de maintenir une coopération avec ces pays, à travers différents instruments et canaux de notre coopération. Nous assurerons, ensemble avec les autorités locales et les parties prenantes, une transition progressive et fluide des programmes existants vers une nouvelle manière de coopérer, alignant par ailleurs davantage la coopération au développement et la politique étrangère de la Belgique.
Amériques
Sur le continent américain, nous sommes présents dans les pôles économiques les plus influents aux Etats-Unis, en Amérique centrale et en Amérique latine.
De nouveaux défis, y compris la lutte contre la criminalité internationale organisée, nous amènent à renforcer nos moyens au Panama et au Chili. Par contre, notre ambassade à La Havane sera fermée. L’assistance consulaire aux touristes belges dans la région des Caraïbes sera assurée depuis Panama City.
Au Brésil, nous fermerons le consulat général de Rio de Janeiro et concentrerons dès lors notre présence dans nos postes à Brasilia et à São Paulo.
Il sera indispensable qu’outre une plus grande diversification de nos relations aux Etats-Unis et au Canada qui restent tous deux des alliés de premier plan, la Belgique consacre davantage d’attention et d’intérêt au continent sud-américain en développant une stratégie globale mise à jour et volontariste, au regard du potentiel de partenariat majeur avec des pays d’Amérique centrale et d’Amérique latine, que notre diplomatie a eu tendance à insuffisamment considérer.
Moyen-Orient
Notre réseau au Moyen-Orient répond en grande partie à nos objectifs stratégiques. Toutefois, pour approfondir nos relations diplomatiques avec les pays du Golfe, nous renforcerons les ambassades à Riyad et à Doha. Nous ouvrirons une nouvelle ambassade à Mascate afin de consolider nos relations diplomatiques avec le Sultanat d’Oman et afin de saisir les nouvelles opportunités économiques qui s’y présentent et pour lesquelles plusieurs acteurs économiques belges nous sollicitent de longue date. En revanche, nous fermerons notre ambassade à Koweït City.
Enfin, en lien avec l’évolution rapide de la région du Moyen-Orient et compte tenu des enjeux sécuritaires et migratoires, et des opportunités économiques de reconstruction, de stabilisation de la région et de transition progressive vers un régime inclusif, nous allons nommer un ambassadeur pour la Syrie, avec résidence à Beyrouth.
Asie
L’Asie, moteur de croissance économique et de progrès technologiques, présente un potentiel important pour la Belgique. Nous y sommes déjà bien représentés et nous renforcerons nos ambassades à New Delhi, Manille et Kuala Lumpur, mais nous fermerons notre consulat général à Guangzhou tout en renforçant notre poste à Pékin.
L’Asie centrale présente des opportunités stratégiques importantes, notamment par la dynamisation du corridor transcaspien (« route de la soie »). C’est une région dont les activités sont en pleine expansion, et où la Belgique doit davantage s’affirmer. C’est aussi une région à fort potentiel située dans un espace géopolitique crucial, bordé par la Chine, la Russie, le Pakistan, l’Inde, l’Iran, l’Afghanistan, … C’est un pari sur l’avenir d’une région qui va connaître un boom de développement dans la décennie à venir. Plusieurs puissances étrangères ne s’y trompent pas en investissant massivement dans cette région. C’est pourquoi nous ouvrirons une ambassade à Tachkent, en Ouzbékistan.
C’est en se dotant d’un réseau de postes diplomatiques fort, pérenne et axé sur des priorités stratégiques claires que la Belgique pourra compter sur la scène internationale et mieux défendre encore ses intérêts et sa sécurité. La nouvelle architecture de notre réseau nous positionnera efficacement pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain.
Pour Maxime Prévot, « le réseau de postes diplomatiques de la Belgique joue un rôle essentiel pour faire entendre la voix de notre pays sur la scène internationale et pour défendre la sécurité, les intérêts et les valeurs de la Belgique et de ses citoyens. Ils sont aussi « nos yeux et nos oreilles » sur place. Les postes nous permettent de comprendre ce qui se passe à l’étranger, d’identifier des opportunités de partenariats et d’échanges, mais aussi de détecter et faire remonter les menaces et les situations problématiques. L’actualité de ces derniers mois nous en a rappelé toute l’importance. Pour générer toute sa valeur, notre réseau doit devenir plus agile ; il doit s’adapter à l’évolution du contexte géopolitique en faisant un usage optimal de ses ressources humaines et financières dans un contexte géostratégique et économique bouleversé. »